Le perchloroéthylène, substance organique particulièrement volatile utilisée en nettoyage à sec, traversa son esprit à la manière d'une pulsion freudienne à laquelle donner vie n'aurait pas été une extravagance.
Ryder Posie, occupée à se peindre les ongles de la teinte 147 de rouge incendiaire de chez Chanel, se vit observer une halte; considérer le sérieux de la démarche (dressant la liste exhaustive des pour et contre) alors que le tambour des machines observait son inlassable mouvement circulaire. En verser dans le café consommé toujours sans sucre et bien tassé d'une certaine Marcy , harassante slash bavarde slash pète couille, toujours prompte à donner son avis sur sa manière de diriger un business  - dont La-plus-censée-des-Deetz  se serait volontiers tenue éloignée si les conjectures n'avaient pas concouru à freiner son ascension professionnelle - qu'importe l'heure du jour.  Marcy , médaillée de commérage, évoluait dans le voisinage comme si elle possédait les clefs de la ville. Tout le monde connaissait Marcy - de toute façon, prétendre le contraire aurait été vain, elle était de celles qui ne vous donnaient d'autre choix que d'en accepter l'existence (au même titre que certains reconnaissaient celle de Dieu).
Verser quelques gouttes dans la décoction ébène et observer la réaction chimique engendrée par l'entreprise, le menton calé dans la paume, n'aurait constitué qu'une expérience scientifique visant à vérifier une théorie (étant : ingurgiter le composé engendrerait il l'irréversible état de mort?).
C'était la dernière trend en vogue après tout.
La ville ne s'était-elle pas réunie, distribuant gâteaux secs et politesse surjouée,  dans le but de rendre hommage à la douce et gentille Mrs Baker (dont à coup sûr, certains avaient déjà oublié les traits d'humour un poil trop républicains, émus par le mouvement hypocrite de la foule). Marcy quittant le paysage ne pouvait que remballer les cancans; ne demeurerait que l'indiscrétion anodine d'un coup d'oeil jeté parfois dans la mauvaise direction (suivi des palabres légères échangées de l'autre côté d'une chaussée).  Se débarrasser de Marcy - il n'était plus question de nier la terrible intention qui se cachait derrière sa large risette avenante - n'était , malheureusement, pas en adéquation avec les valeurs personnelles que Ryder cultivait. Pas le moins du monde pacifiste, ses guerres, elles les menait avec sa langue affutée. Prétendait se défendre sans jamais poser le croupion sur le banc direct des accusés. C'était aussi bien une déformation congénitale que l'action passive d'un environnement particulièrement hostile aussi bien sur l'enveloppe corporelle que sur la psyché délétère. La contrainte que l'eau, l'air ou les habitants de Mariposa avaient exercé durant ses jeunes années sur la fille de Nicole, la transformant de manière quasi irrémédiable.
La benjamine qui n'avait rien connu d'autre que le décousu, le chaotique, qui ne trouvait de sens que dans ces états de totale  confusion inextricable depuis le trailerpark à l'estrade d'un sénateur.
Elle allait virer full rampage : King fucking Kong en chute libre depuis le sommet de l'Empire State Building.  
Evidemment que lorsque l'éventualité de laisser Marcy en compagnie de son aînée s'offrit à elle, elle l'agrippa de toutes ses forces et quitta la buanderie dont elle était la co-proprio tel que l'aurait fait un shinobi surentrainé (sans le tact ou la légendaire agilité). Cela faisait des semaines qu'elle n'avait pas eu l'opportunité de consulter ses mails et, à en croire l'une de ses anciennes collègues qu'elle avait réussi à avoir à l'autre bout du combiné téléphonique, sa messagerie électronique devait certainement crouler sous les propositions d'emploi.
Ce n'était pas un secret : Ryder Deetz recherchait activement les occasions de quitter Mariposa et avait, temps faisant, renoué avec la bibliothèque municipale (devenue point de chute depuis son grand retour en ville). Seul endroit où le miracle que représentait internet se produisait, à l'aide d'un débit chevrotant. Lorsqu'elle déboula, prête à prendre le taureau par les cornes, elle ne s'imaginait pas trouver Max Wescott occupant le seul ordinateur disponible qui n'ait pas porté la mention 'Out of service'. Fagoté de son éternel blouson Teddy, héritage  probable du temps de : la gloire singulière que le géant avait connu au lycée. Avant l'écrasante cruauté du quotidien. Max Wescott était populaire, dans le genre tall, ""dark"", handsome et taiseux (réservoir à mystère). Dans le genre : all american. Comprenez bien : le genre qui filait la nausée à Ryder Posie. Celui qu'elle aurait croisé et qui l'aurait salué comme il saluait exactement n'importe quel badaud qui occupait le même bout de trottoir que lui. Elle ne le détestait pas, bien qu'il ait été le frangin de you-know-who mais l'envie  louvoyait ,quelque part, entre le bon sens et le manque de discernement occasionnel dont il lui arrivait de faire preuve.- Moi qui pensais que Wescott et bibliothèque représentaient deux termes qui s'excluaient mutuellement; sourire caricatural dessiné sur les lèvres. Il devait bien être habitué à esquiver les répliques Deetz, non,  à force d'en côtoyer la pire membre.
   

Il n’est peut-être pas tout à fait inopportun de pointer du doigt le fait que l’on trouvera plus probablement Maximilian Wescott derrière ses fourneaux au diner, ou sur un terrain de basket à suer sang et eau en courant derrière un ballon comme un chien courrait derrière un os, plutôt qu’à la bibliothèque municipale de Mariposa. Pourtant, il se produit, et ce de façon quasi-semestrielle, une chose rare ; le fastidieux rappel à l’ordre de ses obligations patronales, lui qui peine encore aujourd’hui à assumer pleinement ses responsabilités, même après plus de deux ans à n’avoir d’autre big boss que… Lui-même.
Son mètre quatre-vingt-sept ployant sous le poids d’une phobie toute irrationnelle pour autant qu’il sache, avachi sur sa chaise face à un ordinateur datant d’un âge où les films venaient tout juste de passer à la couleur – rien que ça –, le doux géant digère encore d’avoir dû affronter l’une des choses qu’il redoute le plus au monde, savoir ; la terrible épreuve de l’inventaire de son établissement. Désormais seul capitaine à bord, il lui incombe de se plier à l’exercice du minutieux décompte de chaque couvert, chaque assiette pour ne citer qu’eux, et seul le Grand Bonhomme là-haut sait à quel point celles-ci ont volé à travers le restaurant dernièrement. Ce faisant, la panne d’électricité était tombée à point nommé ; puisque le diner ne pouvait tourner à son régime normal, les tâches administratives qu’il repoussait depuis plusieurs semaines, pour ne pas dire mois, s’imposaient d’elles-mêmes dans sa to-do toujours plus longue.
Ainsi, peu élégamment prostré face à l’écran, le menton calé au creux de la paume et le bras supportant le poids entier de son corps pour ne pas qu’il s’effondre sur le bureau, ses yeux papillonnent derrière ses lunettes sans correction (c’est pour la frime, ne le blâmez pas, vous savez aussi bien que lui que ça lui va comme un gant), manquent de se fermer à chaque minute qui passe. Le silence qui règne dans la bibliothèque, que seules son humble personne et la responsable des lieux, Mrs Faggus – aimablement rebaptisée Fag par les gosses de la ville, dont les abords revêches et la réputation de vieille fille ne manquent pas d’alimenter l’imagination – habitent, additionné à la confortable chaleur de son blouson teddy - il vous voit vous moquer - contribuent à une somnolence allant crescendo, que les commandes qui défilent et se succèdent, monotones, n’arrangent pas.
Et tandis qu’il s’apprête à renoncer et ouvrir une page word pour écrire sa lettre de démission qu’il ira s’adresser lui-même au bureau de poste, le tintement de la porte d’entrée chuinte en même temps que la bouche de Fag sur un « Ssssshhhhh ! » plus automatique que conscient, au moment où une Deetz franchit le seuil de la bibliothèque.
La première pensée qui lui traverse l’esprit l'étonne – elle n’est pas la sœur qu’il aurait souhaité voir débarquer. La seconde l’étonne plus encore – il se trouve (secrètement) ravi de cette inopinée distraction.
Les hostilités pleuvent au moment où les deux lasers qui lui servent de mirettes se posent sur lui ; Ryder Deetz, subtil mélange infusé d’une morgue typiquement Nancy Drew-ish couplée de la verve acide d’un sniper d’élite, de celles qui vous démonte le plus solide des hommes ou la plus confiante des femmes grâce à quelques phrases assassines placées ça et la avec la délicatesse et la grâce d’une Miley Cyrus sur sa wrecking ball – et ouais, étonnement il a vu le clip –, semble avoir décrété qu’il était à placer dans le même panier que le reste de sa famille.
Point rouge lumineux braqué sur le front entre les deux yeux, elle en ferme un, arme, vise.
Et tire.
Kalach de la vanne, Max ne compte plus les matchs au cours desquels il s’est fait tondre, ne compte plus les crises de migraine écopées à chacune de ses visites. Ne compte plus les fois où, malgré lui, ses lippes de canard si souvent moquées et pourtant tellement appréciées, se sont étirées sur un sourire goguenard alors que ses yeux se levaient au ciel une fois Ryder partie, laissant dans ses traces de pas la sulfureuse odeur d’une joute éreintante et victorieuse – la plupart du temps pour elle.
Reculant dans sa chaise dans un craquement de cervicales et un raclement bruyant sur le sol, déclenchant une énième salve de « Ssssshhhh » pleine de postillons de la bibliothécaire, le cuisinier la jauge. « Moi qui pensais que plus rien dans cette ville ne pouvait encore t’étonner. »
A bien y réfléchir, cet antagonisme gentillet remonte au départ de son frère. Comme si du point de vue de la cadette de Nicole, la pomme ne tombe jamais trop loin de l’arbre, et que toutes les branches et les racines du leur sont faites du même bois frelaté. Loin de s’en offusquer, le grand cœur de Max y verrait même du beau, une certaine forme de loyauté envers sa famille, quand bien même l’entend-on aux quatre coins de la ville la critiquer.
Décrochant de ses oreilles le casque audio qui diffuse la playlist d’une de ses compilations maison – la Real Life Shit Track – il feint de reprendre sa tâche. « Quel bon vent t’amène ? »
   

La capacité du perchloroéthylène à se vaporiser rendait contre toute attente son transport dans une fiole quelque peu impossible; autrement, aurait-elle succombé à la tentation d'en avoir en tout temps dans son sac à main : ready-to-fucking-use (les conjectures n'avaient qu'à se présenter sous son regard de miel, elles les auraient toutes attrapé par les cheveux). On n'oubliait jamais dans quel octogone la benjamine Deetz avait appris à distribuer ses salutations; en revanche, omettait-on l'existence d'une quelconque capacité à rompre des lances verbales avec plus de panache que sur le béton poreux d'un court.
N'éxistait alors qu'une poignée de personnes contre laquelle elle appréciait lutter : refusait pourtant de reconnaître la satisfaction ressentie, heureuse de se prêter à l'exercice de l'impassibilité (les sourires ne fendaient ses lèvres qu'une fois hors de portée, à l'abri du jugement et de l'appréciation d'un tiers, n'avait-elle pas une réputation à polir ?).
Elle laissa son regard glisser sur l''imposant individu, les kilomètres de cellules, les mètres de tissu, observant une halte forcée sur l'acétate des montures des lunettes portées bien plus pour le fashionable que pour la praticité (s'il pouvait leurrer half of the town, ceux qui avaient grandi par dela les bordures du parc à mobil-home n'auraient pas été dupes - de ce côté là des barbelés, là où n'existaient pas les proverbiales white picket fences, la croyance générale se limitait clairement au pouvoir d'une sauce BBQ sur le crispy d'une pointe de poitrine).
Weschler n'avait qu'à immoler tout le travail d'une vie, suffisait à l'américain average de se munir d'une paire pour voir son quotient intellectuel passer de none to way more than expected. Mains sur les hanches, équilibre travaillé, cette posture avait pour vocation de projeter la soit disant aura dont lui avait parlé le maître reiki le plus incompétent de l'annuaire. Ryder Posie accordait parfois du crédit à ceux qui n'en auraient mérité aucun; ce fut là l'un des constats dressés au cours des trente dernières secondes exposée à l'aîné Wescott. Elle suivit le mouvement de ses mains du regard, lorsqu'elles attrapèrent le casque qu'il portait aux oreilles pour le poser sur le formica du bureau occupé puis lorsqu'il feignit de cajoler les touches du clavier de l'ordinateur qu'elle convoitait.  Car bien qu'il ait représenté ,pour des raisons qui lui échappaient encore, la fine fleur de la ville, sa présence en ces  lieux n'était expliquée que par l'existence , après le dernier blackout en date, d'une source de modernité inespérée.
Le eye rolling fut exécuté avec toute la maestria d'années d'entrainement.
Le silence déflagra quelques secondes avant que Ryder Deetz y mette cruellement fin. - Celui censé te souffler dans la direction opposée - répondit elle, mouvement volontaire du menton désignant vraisemblablement le poste qu'il accaparait ouvertement. - T'en as pour longtemps ? elle se pencha pour analyser l'écran, avant de pousser le plus long soupire enregistré à la surface du globe : si ses yeux ne l'induisaient pas en erreur, l'exercice auquel il se pliait appartenait clairement à la famille chronophage. Bien que ses journées aient été empreintes d'ennuie et de mélancolie, elle préférait employer les heures qui en constituaient l'essence à effectuer des tâches moins contraignantes ou susceptibles d'induire l'atrophie de ses muscles (y compris celle de sa cervelle, elle n'avait après tout que  cette munition dans le barillet).  - Au moins, ce n'est pas pour du contenu porno que tu t'es déplacé jusque ici- . le ton rassuré se voulait avant tout railleur, quoi que maculé de misandrie - entre les murs du trailer, le défilé d'hommes avait gravement biaisé l'opinion des petites Deetz, que les peines de coeur à foison avaient fini de ruiner.  Mrs Faggus veillant toujours au grain poussa Ryder à attraper une chaise, qu'elle fit trainer bruyamment ; elle l'installa près de l'ordinateur et  mit son séant, avec toute la grâce brusque dont elle était capable, dessus. N'était-ce pas là prolonger indûment son séjour auprès de l'homme ? De l'acariâtre  Fogsty ? Grapiller centimètre après centimètre le terrain sur lequel elle escomptait poser sa patte; l'annexion n'allait surement pas se faire sans perte évidente de plumes. - Au fait, tu survis au retour de Lynch ? frapper sous ceinture get a man on his knees (à moins qu'il se fut agi de l'amour, de la luxure - deux choses sur lesquelles elle ne pouvait surement pas compter)
   

Max aurait dû savoir, aurait même dû implicitement le sentir venir, au moment où le discret fumet d’autosuffisance et de farouche antagonisme de Ryder était venu picoter ses narines avant même ses yeux. Il aurait dû savoir que son activité prendrait fin là, à cet instant, sans autre forme de procès. Qu’espérer pouvoir encore se concentrer sur sa tâche, déjà fort peu épanouissante et intéressante, d’avancer sur le fastidieux labeur qu’il rangeait doctement depuis des jours sous son tapis avec la poussière, comme si de rien n’était non, non, il n’a rien vu, partirait en fumée comme un songe – excusez-le, un doucereux cauchemar – à l’instant où la bouche de sa Némésis s’ouvrirait.
Alors pourquoi s’acharner et prétendre qu’elle n’est pas ce grain de sable sur le point d’enrouer sa machine, déjà fort ralentie depuis plusieurs minutes ?
Ses yeux, cachés de toute représaille à l’abri du polycarbonate de ses unifocaux factices, n’ont même pas daigné voler jusqu’à elle ne serait-ce que pour un aller-retour aussi furtif qu’un steak snacké sur la gazinière du Wescott’s et il sait, oh il sait, que c’est le genre de détails qui lui valu un bon quart de la moitié de l’inimitié qu’il lui inspire. Ça, au même titre que les réponses faites de monosyllabes, d’inintelligibles interjections bredouillées dans sa barbe et de platitudes qu’il jubile secrètement de lui offrir sur le plateau de la nonchalance, sachant pertinemment l’opinion que Ryder a d’elle-même et attend des autres qu’ils partagent. « Un certain moment, oui. » Le ton est aussi plat que le rythme cardiaque d’un refroidi, volontairement dénué de toute intonation qui aurait pu être l’amadou au bout de sa mèche et lancer le débat qui, tôt ou tard, ne manquera pas d’arriver. Aussi ineffable qu’inexorable, Max sait qu’il est en train de reculer pour mieux sauter, consentant captif d’un syndrome de Stockholm que seule la sœur de Teddy sait lui faire miroiter avec un semblant d’attrait.
Et, telle une gitane médium au front cerné d’étoffes vaporeuses et de pièces, aux mains noircies d’arabesques mystiques, le voilà à observer ses prédictions se réaliser, alors qu’elle se penche sans vergogne sur son écran et que les pointes de ses mèches brunes viennent chatouiller sa joue. « Tu permets ? » À son tour de lui voler sa marque de fabrique et de reproduire son célébrissime eye rolling appuyé, celui-qui envoi les cons tourner en orbite dans la stratosphère, alors que ses mains se figent sur l’écran préhistorique et le tournent d’un quart sur le côté, comme pour en protéger la privacité du contenu, et que sa main droite vole à nouveau jusqu’à la souris avant de reprendre ses clics intempestifs, comme si de rien n’était. Aucun mot n’est de mise quand le langage corporel exprime aussi distinctement un « y en a qui bossent ici ».
Pour autant, les filles Deetz en ont sûrement trop vu pour s’émouvoir d’un quelconque refus d’obtempérer, voire, de quelques rebuffades faussement outrées, vu leur résilience hors du commun, en d’autres termes, leur capacité hors norme à ne pas lâcher l’os dans lequel leurs crocs ont eu le malheur de se figer. Mrs Faggus, de son bec pincé, vient entendre faire régner l’ordre qu’elle escompte en son domaine, ce qui conforte Max sur la teneur de la peine dont il écope ; pas perpète, mais on s’en approche.
Perchée de toute sa vénéneuse splendeur sur la chaise d’à côté, Ryder décide d’appliquer l’une des tactiques de stratégie à laquelle elle doit dédier le nombre incalculable d’heures qu’elle passe à regarder le tambour de ses machines tourner ; l’éreintage. Ou plus communément connu sous l’art du pousser à bout. Comment expliquer, sinon, la bassesse de l’attaque métaphoriquement lancée contre ses joyaux, qu’il pourrait presqu’entendre teinter douloureusement à l’évocation du nom de son ex ? Un muscle tressaute le long de sa mâchoire, tandis que ses orbes restent rivés à l’écran. « Je savais pas que ma survie, ou même l’état de ma vie sentimentale, t’intéressaient autant. » Il lui adresse un regard rapide, sur le côté. « Mais pour t’éviter de te faire trop de mouron, et en prévention des rides, je vais bien, merci. » Dans une ville comme Mariposa, les nouvelles vont vite,  et compte tenu de l’étroit… Contexte dans lequel leurs familles respectives évoluent, il n’y a rien d’étonnant à ce que la petite sœur de l’ex-copine de son frère soit dans la confidence de ce genre de détail. « C’est parce que tu t’es occupée de sa dernière lessive que tu me parles d’elle, ou… ? »
   

Eviter l'eye contact à tout prix; ardemment nier l'existence d'une quelconque âme calfeutrée dans cette enveloppe nonchalante.
Ryder dont le sourire se figea entendit la déchirure bien plus qu'elle n'en vit la douleur traverser les traits prétendument indifférents de Max Wescott; elle réussit néanmoins à repérer la contraction traitresse des muscles de sa mâchoire angulaire - risible fuckery sentimentale.
L'assaut déloyal d'un coeur qui n'avait surement pas encore traversé les différentes phases de deuil et qui comme un animal auquel on aurait brisé les pattes, luttait de toutes ses forces pour parcourir la désolante distance qui le séparait du soulagement que seul le temps ou la mort aurait pu lui offrir.
Entourée de trop de durs à cuir, fibre empathique peu encouragée à exprimer ses nuances, elle faillit revenir sur ses pas, formuler une phrase dont la construction n'aurait pas été dans le seul but de faire le plus de dégat possible. Peut-être que ce Wescott méritait du leste, du moins, que la méchanceté notoire de cette Deetz n'en faisande la matérialité : basique wishful thinking. Ryder qui n'était pourtant pas près de s'émouvoir, retint in extremis la paume qui la démangeait. A quoi bon compatir ? Une de perdue, dix de retrouvées - n'est-ce pas ? N'aura qu'à ditch sa veste ringarde dans la première benne et éviter de planquer ses striking blue eyes derrière des verres inutiles - et un océan de petites culottes se serait probablement dressé sous son regard, pour amuser l'individu, atténuer la peine et reléguer la fameuse ex à un mauvais souvenir. - Oh, honey, you wish - s'entendit-elle lancer, d'une voix que les années passées d'abord à l'université puis dans la cour des grands avaient rendu plus chaleureuse - pour ne pas dire presque ravissante. - Je ne me souvenais pas de ce piquant, Max - plissant les paupières, battant des cils comme l'aurait fait Teddy au summum de son flirt amérique-profonde, elle pencha la tête, orientant l'angle de son regard, tentant de comprendre ce qui avait poussé l'homme à affuter ses mots afin de leur assurer un tranchant Deetz Approved.
C'était peut-être la lumière bleutée de l'écran réverbérée sur le profil offert ou l'impact ardent des mots employés ? Le sourire fut loquace là où la langue n'avait pourtant jamais été timide; le trouvait-elle almost cheeky and enticing ?
Ouch.
La pointe de fierté transperça de quelques millimètres l'espace entre les côtes, Ryder se mordit l'intérieur de la joue avant de céder à son impulsivité rétive ; donnant l'aval à l'occasion rare, détournant le regard des gouttelettes de sang visibles sur la lame brillante. - FYI, Wescott, je manage la buanderie - prenant appui davantage sur son coude, elle ajusta sa position. J'ai aussi suivi un parcours universitaire qui pourrait, il me semble, elle en profita pour tapoter l'écran de son ongle peint en rouge, t'être utile afin de boucler whatever tâche particulièrement boring - était ce là la suggestion d'une trêve ou l'idée vocale qu'il libère la place occupée - tu peines clairement à accomplir - ou qu'elle l'empêchait d'accomplir. Il n'avait pas vraiment l'air d'y prendre plaisir, ni vraiment d'avoir de facilité dans le domaine - préjugé numéro 1 et préjugé numéro 2,. Il n'y avait qu'à compter le nombre de feuilles de calcul ouvertes sur l'écran antédiluvien et l'ensemble confus de lettres et de chiffres qui remplissait lignes et colonnes pour comprendre que l'exercice relevait de la contrainte : pensum obligatoire, Max Wescott pas du genre à se dérober.
Le comportement héroïque que l'on aurait attendu de lui.
Ryder Posie avait des mails à consulter subito.
Ca n'était que l'histoire d'un échange de bons procédés. Elle prit possession du clavier et d'un geste de sa main droite orienta l'écran un peu plus dans sa direction. - J'ai cru comprendre que Teddy et toi passiez du temps ensemble . J'ai surement dû rater l'épisode du Wescott Show où l'ex futur beau frère et la bridezilla décident de se panser mutuellement les blessures - équivoque l'œillade qu'elle lança, garante d'allusions rectilignes, supprimant certains sheets de quelques clics brefs, elle s'attela à l'ouvrage.