Roscoe sautant dans la boîte de son pick-up, sa large langue pendent dans le vide, sourire béat. L’animal ne semble pas se rendre compte qu’une partie de la ville se retrouve privée d’électricité, que certaines personnes sont démunies. Au contraire, il a le luxe d’avoir une maîtresse bien équipée. Dès qu’elle a remarqué la panne, Teddy a sorti sa génératrice de secours. Sa maison garde ainsi son eau chaude pour ses douches, son téléphone fonctionne et les voisins envient cette gamine plus débrouillarde qu’eux. Avec Roscoe se trouve tout ce dont elle aura besoin pour la journée, coiffant ses cheveux tressés en deux nattes d’une casquette de pêche, elle prend le volant direction le dîner Wescott’s où elle a laissé un message la veille à la mère de ce dernier en disant qu’il devait — pas devrait, mais bien devait — la rejoindre là-bas au petit matin. Du genre lève tôt, la blonde ne ressent aucune fatigue, elle ne démontre pas même un brin de sommeil sur son visage au teint de pêche. Légèrement maquillée, Teddy pourrait presque paraître douce et adorable. Son moule cul en jeans et sa chemise à carreaux qu’elle déboutonne peut-être un peu trop pour ressembler à une tomboy comme on peut l’imaginer quand on l’a connaît. Ce n’est pas dans cet accoutrement néanmoins elle sera la plus féminine. Arrivée la première sur le parking, elle sort laissant Roscoe se balader autour du dîner et elle attend. Un pied appuyé sur le pare-choc arrière de son pick-up, les bras bien appuyés sur la porte de la boîte, elle observe la faune de Mariposa. Des vieux qui marchent main dans la main sous la symphonie des oiseaux. Des enfants qui jouent dehors au lieu de regarder la télévision. Un Max marchant vers elle. Sourire s’étirant, elle glisse ses doigts entre ses lippes pour siffler le jeune homme. « Hey mon joli ! » Toujours aussi rustre, elle éclate de rire malgré elle. C’est peut-être un peu trop, seulement ça l’amuse de siffler les mecs, sa petite vengeance pour tous ceux qui la siffle comme un gros steak sur deux gambettes. « Alléluia, ta sauveuse est là. Tu peux te prosterner à mes pieds Wescott ! » avance-t-elle avant même que l’aîné ne demande ce qu’il fait là. Elle ouvre la boîte de son pick-up dévoilant tout un matos pour cuisiner dehors, barbecues, génératrices, chapiteaux et même un four à pizza. Son sourire illumine son visage, bien que Teddy reste une Deetz, elle a cœur les gens de sa ville et elle ne restera pas les bras croisés si elle peut aider.

Mrs Wescott lui avait laissé la veille un message de Teddy, avec dans le regard toute la circonspection du monde, et l’air de celle qui voit son aîné courir au-devant de son lot de tracas comme on observe un gentil cochon partir à l’abattoir. Mais Max, il sait ce qu’il fait. Enfin il croit. Il n’en mettrait pas sa main à couper, mais il gère la situation. Tout est cool, tout est carré. Avec Teddy, y a pas d’ambiguïté. Pas du tout. Mrs Wescott peut dormir sur ses deux oreilles.
Les yeux encore chiffonnés de sommeil parce que tout le monde n’a pas la chance de se réveiller comme Blanche-Neige le matin de bonne heure au chant des oiseaux, il passe une main dans l’épaisseur de sa chevelure pour discipliner les épis qui se dressent sur son crâne, en vain, tandis qu’il traverse le parking totalement au radar.
Un sifflement équivoque le fait tourner la tête à s’en claquer le rachis cervical alors que ses yeux se verrouillent à ceux d’une Deetz hilare, tandis qu’il sent un afflux sanguin lui monter aux joues. Seules quelques enjambées lui suffisent pour les rejoindre elle et Roscoe près de son pick-up, sous les rires et quolibets de quelques gamins qui traînent pas loin et qui n’ont pas loupé une miette de la scène, alors que l’aîné des gosses Wescott lève les yeux au ciel en se baissant pour caresser le chien. « Tu peux pas t’en empêcher, hein ? » Pourtant, un seul coup d’œil à sa mine rieuse et son accoutrement du jour fait croître son sourire.
Aussi fière d’elle qu’un paon, elle s’auto-proclame sauveuse quand Max enfonce les mains profondément dans les poches de son blouson-teddy, avec un sourire moqueur. L’envie de faire une blague équivoque sur ce qu’ils ont fait il y a deux soirs de cela le titille, mais il laisse à la blonde la primeur de l’humour grivois. Faudrait pas qu’il empiète ses plates-bandes. « Seulement si tu le mérites. » Ses yeux sont rieurs, mais elle a tout de même éveillé sa curiosité. Sans se défaire de son sourire, miss-nattes ouvre la porte du coffre de son véhicule, et la mâchoire de Max se décroche. « Waow, c’est quoi tout ça ? T’as fait un casse, ou quoi ? »