Derrière les verres photochromiques, de cette paire de lunettes polarisante, l'idée première de protection contre l'agression solaire remisant, par delà  les premières couches de tourbes, celle de camoufler le jeu agacé de ses paupières. Il y a ce qui se dessine sur les lèvres, des plis d'amertume qui se tendent et se courbent et — ce que le regard laser-à-décharges-électriques-transversales grave sur les surfaces qu'il croise à tour de rôle (l'agent de circulation zélé, le voisin trop bavard, les écoliers bruyants). Ryder Posie Deetz, comme le tranchant d'une lame, traverse Mariposa d'une démarche dont suinte malheureusement l'habitude. Elle en connait tous les coins turpides, s'y est aventurée avec l'envie parfaitement patente de coller quelques mandales aux nombreux détracteurs, n'y a récolté que des égratignures. Les croûtes sont tombées, ont depuis longtemps laissé place aux chéloïdes disgracieuses, reliques des divers combats menés, d'une réalité pas aussi lisse et flamboyante que sur du papier glacé. Dans ce cul de sac coupé du monde technocrate, Ryder est redevenue la fille de Nicole Deetz. La sœur de la terrible Teddy. Après que les flammes aient cessé de lécher les rondins de l'ancienne chapelle et que les cendres soient retombées, the hometown prom queen a perdu diadème, écharpe et sceptre. La dégringolade ne s'est pas faite sans perte de plumes. Pourtant, les admirateurs restent nombreux -  tourner le dos à ce regard digne d'une œuvre de Margaret Keane semble inenvisageable pour ces mâles aux cervelles clairement situées sous ceinture - , Ryder se retrouve à nouveau dans l'ombre, après plusieurs années passées à escalader l'échelle sociale, barbotant dans le bassin plein de squales de la city, propulsée à la case départ par la malicieuse ironie du sort. Elle s'est pris l'alea jacta est quelque part entre les deux yeux avant de se réveiller sur le matelas à ressorts de chez Jim.  C'est le son guttural d'un grognement qui la ramène sur terre, les vibrations chaotiques de ses cordes vocales face au spectacle désolant offert par le dive bar dans lequel on lui a dit de venir récupérer Nicole. Sachez que le tableau dressé ressemble à s'y méprendre à une poignée d'autres et que le côté récurrent a perdu , évidemment, tout son thrill. Les pneus de sa Lexus s'arrêtent libérant la poussière, séparant les gravillons; Ryder se sent comme Moïse en pleine mer rouge.
La portière claque, elle s'est extirpée de l'espace rassurant, précédemment cajolée par l'odeur du cuir neuf, pour s'inscrire dans ce décor particulièrement débilitant. On ne vous demande pas si vous aimez les néons, le diet coke et Bon Jovi ici : on vous les impose, summum du mauvais goût, comme le divertissement dont votre quotidien monotone a besoin. Plein milieu d'après midi, à quelques kilomètres de south district, toujours dans le périmètre écrasant de la ville, si le doute persistait, il tire presto sa révérence. C'est du Nicole tout craché : finir saoule, à flirter avec le fond du panier des environs et se voir interdire de quitter un établissement dans cet état avancé de stupidité éthylique (l'un n'excluant pas l'autre).
Ryder ne se déleste pas de ses lunettes de soleil, même après avoir passé le seuil : plus intolérante aux cathodes froides des luminaires disséminés çà et là que coquette impériale survivant aux intrigues de la cour. Peut-être une volonté sous jacente d'anonymat là où la matriarche à la main mise. Lorsqu'elle se retourne, avant même de repérer la silhouette de sa mère, c'est celle de Teddy qui attire son attention. - Si j'avais su qu'ils t'avaient aussi appelé, je me serais évitée le trajet jusqu'ici - la langue claque brièvement entre le palais et la barrière dentaire. Elle est où ? entre les mots, l'envie pressante de quitter au plus vite les lieux.  

L'affrontement oculaire ne dure que le temps qu'une fento seconde. Dans cette savane où le lion n'a pas sa place, on remarque facilement que les Deetz ont quitté leur tanière souterraine, non pas pour répondre au besoin naturel de se remplir le bide mais pour se soumettre corps et âme à la torture d'une séance de manipulation affective. Ryder s'humecte les lèvres et croise les bras sous les discrets bonnets B un jour concédés par une fée des nibards manifestement vindicative. Une mirade from head to toe dans la direction de la blonde : y'a pas à dire, Teddy s'acharne à pousser le cliché de la country girl jusqu'à la flanelle dont elle oublie toujours la fonction première des boutons pression. Le décolleté est vertigineux, le mascara appliqué abusivement, la peau bistrée par une exposition prolongée au soleil : a sight for sore eyes, pour ne pas changer la donne à laquelle la benjamine a dû s'habituer depuis le berceau.
Dans ses mains, prisonnier de longs doigts manucurés, un shot vide. Si, à l'évidence, certains fruits ont tout fait pour tomber loin de l'arbre, certains tentent soigneusement de suivre les traces de leurs ascendants. Si le premier réflexe est de juger son aînée - parce que, obviously, les preuves s'étendent sous son regard sévère -, Ryder préfère esquisser quelques pas de danse autour du pot; tête enfouie dans le sable ne voit ni entend ce qui se passe autour, right ? - It's early afternoon - lance-t-elle, sourcil imprégnant un arc impeccable. Elle s'avance avec précaution, décidant de se rapprocher de celle dont elle a appris, sororité et blabla de relation horizontale à la con, à craindre les réactions (peu modérées, toujours sur le versant dramatique). Avant bras appuyé sur le comptoir, elle peut sentir l'odeur d'alcool émanant du verre, déviner jusqu'au branding de la marque du produit - le moins que l'on puisse dire, c'est que dans cette famille, les habitudes ont plus qu'ailleurs connu la vie dure. - Quelles sont les chances qu'elle se soit noyée dans la cuvette ? - demande-t-elle, regard circulaire embrassant la salle, les têtes familières qui en occupent les différents spots, la décoration spécifiquement ringarde qui joue les prolongations dans une ville qui mériterait de connaître une fulgurante transition depuis son état pré-moderne à l'attractivité équivalente d'une mégalopole de la côte Est. Ryder Posie se montrerait probablement plus fière d'être originaire d'une New York, d'une Los Angeles, la vache, même d'une Plainview, Nebraska. - Je suis nettement plus surprise de te croiser ici, je pensais qu'après le fiasco de thanksgiving, aujourd'hui plus que jamais, Nicole était dans ta liste noire. Doit-on rappeler la récurrence démesurée des disputes entre les générations d'un clan nuisible ? Les assiettes volent à noël, au nouvel an, easter , fourth of july, anniversaires respectifs lorsqu'elles ne s'entêtent pas à s'ignorer sauvagement. Les conversations virent pugilat et n'est pas rare qu'elles finissent une partie de uno, des poignées de cheveux entre les doigts. Prétendre qu'elles aient toutes évoluées depuis l'enfance, serait aussi inutile qu'inscrire Mariposa prom queen présente là au concours national de Miss USA. - T'as décidé de retourner en cellule ? - allusion pas subtile à l'alcool ingurgité, rappel moralisateur aux lois qu'elle risque de violer consciemment en prenant le volant après que tout-ceci (elles, dans un bar, pour récupérer leur mère) ait pris fin. Sur les papilles, le goût âpre de l'hostilité, l'envie d'échapper à la culpabilité qui entache chaque acte effectué par contradiction ou rébellion : se teindre les cheveux en bleu, adopter un look goth, écouter que du britney spears durant six mois malgré le répertoire faible et prendre le risque d'assassiner sans vergogne des neurones innocents (par exemple).  Elle hèle l'employé, commande un espresso, se heurte à un mur. - Un verre de rosé, then ? - toujours pas. Le soupire est long. - Une corona light, j'imagine que vous avez ça ? ah, non ? - Régulière, merci .Ryder Posie arrive de temps à autres à oublier qu'à Mariposa, les choix sont, à, tous, les ,coups rétreints.  
Teddy n'enfreindra pas de loi seule, cette fois.