Cette nuit, j'avais décidé de tout éteindre, me poser sur mon petit balcon avec pour compagnie une bouteille de cognac hors d'âge et pour seul éclairage une bougie à pile. J'aurai pu en prendre une vraie, mais le vent soufflait vraiment fort, bien que pas assez pour que je renonce à mon tête-à-tête avec North District. Habitant au dernier étage d'un ensemble de logements situé légèrement en hauteur, c'est verre en main que j'apprécie les jeux de lumière s'étalant au loin et que je m’imprègne des bruits me parvenant des rues en contre bas. M'aurait on dit il y a trois semaines que j'aurai fait ce virage à quatre-vingt-dix degrés, que j'aurai rie et pourtant... Le morceau se termine m'obligeant à me lever pour changer de disque vinyle lorsque d'un coup, toutes les lumières de North District s'éteignent en cœur. Loin de m'agacer, je m'assois de nouveau, me sers un autre verre et profite de ce ciel parsemé d'étoiles, après tout ce n'est pas partout que l'on en profiter.

Le lendemain matin, je suis surprise de ne toujours pas avoir de lumière. L'agitation se fait sentir en contre bas. Les discussions gagnant en volume créant un petit brouhaha. Clés en main, je descends afin de mieux entendre et comprendre cette panne générale qui perdure. Les deux antennes électriques ont été brisées... C'est la première chose que j'entends en arrivant en bas du bâtiment et je prends de suite la mesure de la situation. Ni une ni deux, je grimpe dans mon pick-up je roule en direction de West District soulagée de constater que le quartier a été épargné par la panne. Le hideout saloon est également alimenter, ma crainte de voir la nourriture pourrir dans les chambres froides s'envolent en un long soupir. Au détour des conversations se détache un sujet préoccupant : les pompiers de Mariposa. Sans lumières, sans radio locale et téléphones pour relayer les informations, cela risque d’être compliqué pour eux. Apparemment, des groupes se créeraient à la caserne pour aider les pompiers à couvrir plus de terrain dans les districts touchés. Ni une, ni deux, je charge dans mon pick-up cinq packs d'eau et retourne sur south district. A mon arrivé, je fais part de mon désir d'aider et offre les packs d'eau. Formant le dernier groupe d'aide, le sergent nous remet à tous de vieux talkie-walkies et nous indique notre secteur, à savoir North District. M'adressant au groupe, j'en oublie de me présenter et leur propose de suite une solution de transport.

- Si vous voulez, on peut prendre mon pick-up, j'ai fait le plein ce matin. Et si il y a quelqu'un à transporter, ça sera plus facile pour nous de la placer à l'arrière du pick up.

« Ça n’a pas touché les quartiers est et ouest. » C’est l’une des premières choses qu’Achilles a entendues ce matin en se rendant à son agence d’organisation de mariages, située elle dans le quartier nord. Il y règne d’ailleurs une atmosphère inhabituelle, fourmillant d’agitation, grouillant de monde dans les rues qui discutent en petits groupes bourdonnants. L’un des rares bruits que l’on entend. Car sinon, tout est… Calme. Étrangement calme. Les néons des échoppes et établissements ne clignotent pas, les vitrines ne brillent pas, les bruits de ventilation des clims extérieures ne vrombissent pas. Tout semble au ralenti, figé. C’en est presque alarmant. Joignant un groupe qui discutait non loin de son agence, Achilles se fait mettre au courant de la nouvelle du jour lui qui, depuis son chalet luxueux dans le quartier est, n’a pas eu vent de l’accident des deux antennes électriques. La conversation s’oriente sur les pompiers, l’aide qu’ils cherchent cruellement, et ni une ni deux, le célébrant saute dans son cabriolet et repart chez lui. En moins de temps qu’il n’en faut, roi de l’organisation qu’il est, il jette dans un panier des gourdes – il en fait collection – et des bouteilles, quelques vivres pour préparer des collations sur place, prépare aussi deux glacières avec des blocs réfrigérants dedans.
À la caserne, il rejoint le petit groupe de volontaires, manifeste son envie d’aider et dépose ce qu’il a apporté – ce n’est certainement pas aujourd’hui que quelqu’un va venir le trouver pour prévoir son mariage ! Bidouillant les boutons de son talkie pour vérifier qu’il marche, il écoute d’une oreille attentive les quelques indications d’une grande brune près de lui. « Bonne idée, merci », regardant par-dessus son épaule son propre véhicule deux places, piteusement. « Si tu veux bien, je peux me joindre à toi pour une première patrouille dans le nord ? » Achilles regarde à la ronde et interroge du regard les autres personnes présentes, pour voir qui se joint à eux dans le pick-up. « J'ai pris des glacières, pour y entreposer des aliments et ne pas perdre... »

Je ne sais pas si c'est une bonne idée d'ainsi me faire force de proposition, mais je crois qu'au vu de la situation, la timidité n'est pas de mise. Je pense surtout aux personnes âgées, aux personnes à mobilité réduites et ceux dépendant de l'électricité pour tout ce qui est systèmes à oxygène et autres appareillages médicale. Heureusement que nous sommes dans une ville ou tout semble s'être figé dans les années 80 -90. Je doute que ceux ayant besoin de soins plus poussés ne soient resté dans une ville rejetant la modernité et valorisant une vie loin de toute technologie avancée. Je veux dire... soyons honnête, si j'étais une native et que mes parents se retrouvaient en situation de faiblesse nécessitant une assistance médicale poussée, je n'aurai JAMAIS opté pour rester à Mariposa. Ma proposition fait  le tour du groupe, certains étant pour et d'autres semblant sur la réserve. Après tout, je peux les comprendre, pour beaucoup ils se connaissent depuis toujours la ville de part sa taille et sa singularité, ne se positionnant parmi les villes attractives. De plus, je viens de ce monde moderne aux technologies néfastes qu'ils cherchent à maintenir loin de leur style de vie plus proche de la nature et d'un art de vivre disparu des grandes villes. Avec mon pick up bourré de technologie, ça ne m'étonne pas qu'ils soient sur la réserve, bien que sans électricité un autre problème se posera tôt ou tard: L'approvisionnement aux stations. Bien que sur la réserve vis à vis des technologies, il n'en reste pas moins que les stations ne fonctionnent pas à pompe, mais bien à l'électricité et qu'avec deux antennes tombées, les générateurs et batteries dépanneront un temps, mais pas éternellement. Enfin, c'est à eux de voir cela ne me dérange pas de patrouiller seule si nécessaire.

« Bonne idée, merci. Si tu veux bien, je peux me joindre à toi pour une première patrouille dans le nord ? »

Je regarde étonnée et reconnaissante l'homme venant de prendre la parole. Il dégage quelque chose de chaleureux et franc ce qui me met de suite à l'aise et même ravie de faire cette ronde en sa compagnie.

« J'ai pris des glacières, pour y entreposer des aliments et ne pas perdre... »

Interrompu par l'un des pompiers nous donnant le feu vert pour partir, il ne finit pas sa phrase mais cela est sans importance, ayant compris ou il voulait en venir...

- Il n'y a aucun problème pour moi! On pourrait faire plusieurs groupes au lieu d'un ou de deux. Ça nous permettrait de couvrir plus de terrain.

Je dis cela bien évidement pour offrir une porte de sortie à ceux ne voulant pas se joindre à nous, ou du moins à moi. M'adressant à mon coéquipier du jour.

- Si on manque de quoi que ce soit, on passera se ravitailler par chez moi. Viens on fera plus ample connaissance dans la voiture.