Il n’a fallu que quelques jours pour qu’elle se réhabitue à la ville. Mariposa n’a pas beaucoup changé aux yeux d’Edmée, même après une aussi longue absence. Les rues sont toujours les mêmes, la plupart des vitrines sont décorées de la même manière. Les gens autour d’elle ont un peu changé, les traits de leurs visages sont plus marqués, les enfants ont grandi, mais elle peut percevoir que leurs auras sont les mêmes. Et elle, malgré tous les changements que son périple a apportés, elle se sent à la maison. Les retrouvailles avec son père se sont bien passées, elle a revu son parrain au drive-in, sa tante, quelques uns de ses amis. La seule grande différence, c’est qu’elle squatte le canapé dans une colocation du quartier est, au lieu de dormir dans le lit qu’elle partageait auparavant avec Max. Il lui manque, leur maison lui manque, mais elle a bien compris, avec quelques conversations, qu’il n’avait pas très envie de la revoir. Elle n’a donc pas encore trouvé le moyen d’aller vers lui, réfléchissant encore si elle devrait aller sonner à sa porte ou l’attendre devant le diner. Elle sent que Bowie le cherche, parce qu’il a bien compris qu’ils étaient revenus à la maison, juste pas exactement la même maison. Il retrouve ses habitudes lui aussi, son tapis préféré chez Richie, ses endroits fétiches dans le parc, quelques anciens copains aussi. Et en cette matinée relativement ensoleillée, c’est justement dans le parc de Mariposa qu’ils se baladent tous les deux. Elle le regarde courir, renifler les herbes encore dépourvues de fleurs, et lui jette parfois un bâton qu’il a déniché elle-ne-sait-où. Puis soudainement, l’attention de Bowie change complètement. Une concentration se lit sur son visage alors qu’il a fixé un point précis dans le parc, et il part en courant à toute vitesse.

« Bowie attend ! »

Elle se met à lui courir après, le foulard orange dans ses cheveux comme une traînée de feu derrière elle. S’il y a une autre chose qui n’a pas changé, quand Edmée est là, on ne peut pas la manquer. Quand elle rattrape finalement le chien, elle comprend tout de suite ce qui l’a attiré. Il s’est jeté sur Max, le couvrant d’une bave bien heureuse et de frétillement de sa queue. Ça la fait rire Edmée, elle ne le cache pas, et elle s’approche d’eux comme si c’était totalement naturel. Elle ne voit pas le problème d’ailleurs, puisqu’elle a fait ça des centaines de fois auparavant.

« Du calme bonhomme, du calme. » Elle caresse sa tête, ses yeux et son sourire totalement concentrés sur Max.

Gonflant ses poumons de bouffées régulières, Max tente de garder le rythme, fait fi du feu qui brûle à l’intérieur de sa poitrine, des muscles dans ses cuisses, dans ses jambes, qui s’étirent et commencent à l’élancer follement.
Sans perdre l’élan qui l’anime depuis une bonne heure, il longe les courts extérieurs de tennis, accélère au niveau du skate-park, rigole et tousse en même temps lorsqu’il passe devant les toboggans où un troupeau de gamins rieurs se sont entassés pour glisser tous en même temps comme une joyeuse brochette, et ne s’arrête que lorsqu’il parvient aux abords du ruisseau qui traverse de part en part le parc de la ville.
Là, il stoppe sa montre-chrono, se plie en avant, les mains en appui sur ses cuisses en feu, avant de s’accroupir près de l’eau fraîche et de s’en asperger le visage à coup de grandes giclées revigorantes qui apaisent le brasier de ses joues et de sa trachée quand il en avale quelques gorgées en coupe dans ses mains.
L’aîné des Wescott a toujours été un sportif, sans pour autant s’astreindre à une rigueur et une hygiène de vie trop contraignante et dans l’extrême. Pas du genre à se gaver de boissons protéinées et de faire de la gonflette, mais pas du genre non plus à s’évanouir après dix kilomètres de sprint.
Néanmoins, la veille en fin de journée, Dinah et lui ont disputé un match sur le terrain de basket plutôt endiablé qui s’était terminé, pour son plus grand bonheur, sur un match nul. La veille, au soir, il avait retrouvé Teddy, et c’était un tout autre match qu’ils avaient disputé, tout autant endiablé cela dit.
Accordant à ses poumons le temps d’ingurgiter et d’expectorer de façon à nouveau normale l’air qu’il avale à grandes goulées, il se laisse doucement tomber sur le dos, un bras replié sous la nuque, les yeux clos. Une minute passe, puis une autre, où seule la caresse du soleil ne vient effleurer son visage, avant qu’une grosse langue humide et un tantinet râpeuse ne vienne prendre la relève.
Littéralement lessivé par une traînée de bave, ses yeux s’ouvrent en choc, et se posent sur… Bowie, qui comme tant de fois auparavant, a repris ses bonnes vieilles habitudes et s’est vautré de tout son long corps duveteux de golden retriever en travers de son torse. « Eh, mon grand ! » Le plus heureux du monde, Max enfoui ses larges mains dans le poil soyeux de ses flancs qu’ils flattent de gratouilles et de caresses, ahuri de faire des fêtes à son propre chien après plusieurs années sans l’avoir vu.
Sauf que…
Sauf que la réalité le frappe de plein fouet. Si Bowie est à Mariposa, c’est qu’il n’y ait pas arrivé tout seul en prenant l’autobus. Et comme pour confirmer ses dires, arrive en courant sur ces faits, une Edmée rayonnante et lumineuse qui lui coupe littéralement le sifflet. Son sourire et doux et naturel, comme s’ils s’étaient quittés la veille.
La veille, il en avait vu des filles, Max, et Edmée n’en faisait pas partie.
« Que… ? Tu… ? » La matière grise de son cerveau ne semble plus fonctionner correctement. « Salut ? » Commencer par la base, c’est bien. « T’es… T’es rentrée ? » A moins que des aliens n’aient envoyé sa copie conforme à Mariposa, son sens de l’observation et des platitudes vient à nouveau de frapper.

De toutes les manières où ça aurait pu se passer, ce scénario-là ne lui avait pas traversé l’esprit. Edmée avait hésité à passer au Wescott’s ou bien aller directement chez Max, mais elle n’avait même pas pensé au fait qu’ils pourraient juste tomber l’un sur l’autre, dû au hasard. Mariposa n’est pas une grande ville pourtant, elle aurait dû y penser, mais finalement, le fait que ça se fasse ainsi est peut-être absolument parfait. Pas de stress comme ça, pas de discours tout prêt. Ils peuvent simplement se retrouver, avec Bowie pour briser la glace qui s’est formée. Edmée, aussi solaire que d’habitude, espère bien pouvoir la faire fondre en un rien de temps, peut-être même pour recommencer là ils ont pressé sur pause. Évidemment, elle voit l’expression étonnée, presque choquée de Max lorsqu’elle s’agenouille près de lui, et elle lui laisse le temps d’enregistrer sa présence.

« Salut. » Elle répond avec le même sourire. Il bégaye un peu mais elle ne le presse pas, parce qu’Edmée elle laisse toujours le temps aux autres. La patience n’est peut-être pas sa plus grande force, mais elle apprend à être douce avec les gens qui comptent pour elle. Et si quelqu’un compte, c’est bien Max. Il s’étonne de la voir là, et elle hoche simplement la tête.

« Il y a quelques jours seulement. »

Elle lui sourit toujours, légèrement gênée maintenant, mais sans trop le montrer. Edmée, elle croit beaucoup dans le fait de recevoir la même énergie que celle qu’on donne à autrui, alors si elle est enjouée et ouverte, Max sera sans doute de la même manière.

« Je suis heureuse de te voir. Je n’ai pas encore pris le temps, j’ai passé un peu de temps avec mon père, ma tante, Achilles, mais… t’étais le prochain sur ma liste. »

Oui, même si elle appréhendait ces retrouvailles, elle n’aurait pas tenu beaucoup plus longtemps sans le voir. Toujours souriante, elle baisse le regard vers Bowie qui l’air toujours plus heureux de retrouver son maître. Elle tend la main pour le caresser aussi, comme si souvent auparavant.

« Comment tu vas Max ? »

Max n’a pas pris la peine de se relever, tout au plus de se redresser, toujours allongé dans l’herbe et appuyé sur son coude et son avant-bras. Bowie a décidé de rattraper deux ans de séparation d’un coup, ne le décolle plus, et sa langue qui pend joyeusement à travers sa gueule ouverte comme sur un sourire laisse couler un filet de bave sur son t-shirt.
Cloué sur place, l’ex-amoureux éconduit tente vainement de faire le tri dans le flot d’émotions qui l’assaille. Dans la précipitation, incrédulité, joie, amertume, surprise se succèdent sans lui laisser le moindre répit, tandis que ses yeux ahuris fouillent et sondent le visage d’Edmée, à la recherche de tout ce qu’il a manqué, et de tout ce qu’elle est devenue loin de lui.
À peine deux ans ont filé, et l’impression qu’un gouffre pourtant les sépare aujourd’hui le percute de plein fouet. Elle a peut-être les cheveux un peu plus longs, les yeux toujours aussi brillants, et est-ce que c’est lui ou son sourire vacille ? Lui, il n’arrive pas à sourire, n’arrive même pas à parler. De toutes les personnes qu’il s’imaginait croiser au parc, son ex était loin de faire partie de la liste.
Malgré l’étonnement, la conversation s’engage comme si de rien n’était, et ce de rien n’était le cloue au sol avec la force de dix uppercuts. Vont-ils vraiment faire comme si rien ne s’était passé ? Vont-ils vraiment prétendre qu’Edmée n’a pas claqué la porte sur sept années de vie commune ?
Les sourcils de Max se froncent un peu, plus encore quand elle lui indique être arrivée il y a quelques jours déjà.
Évidemment. Le cuisinier se retient in extremis de lui poser la question qui lui brûle la langue, la question à un million de dollars ; et si on ne s’était pas croisés aujourd’hui, quand serais-tu venue me trouver ? « C’est bien. » Les mots sont lâchés, un peu mollement, un peu platement, mais à l’instant T, il ne parvient pas à faire mieux. Ne sait même pas s’il en a envie d’ailleurs. Tout est flou et tout se mélange dans sa tête. Edmée le regarde de ses beaux yeux lumineux, lui offre ce sourire qu’il a maintes fois dévoré, et pourtant, l’âpreté ne parvient pas à quitter le fond de sa gorge. Moins encore lorsqu’elle lui énumère la liste de toutes les personnes qu’elle est allée voir avant lui. Lui, qui l’a aimée comme un dingue, qui a compté tous les jours depuis son départ.
Le prochain de la liste.
Il n’en a jamais été le premier, de sa liste, force est de constater.
« J’imagine que tout le monde était très heureux de te revoir. » Pour se donner contenance, Max reporte son attention sur Bowie, bienheureux d’être à nouveau la source de son attention. Son museau humide vient farfouiller du bout de sa truffe fraîche dans son cou, son oreille, arrache au doux géant son premier vrai sourire sincère. Ces instants complices et câlins lui ont beaucoup manqué. Et le plus cruel, c’est qu’Edmée aussi, lui a beaucoup manqué. Ses yeux se portent à nouveau sur elle, cette fois plus inquisiteurs. « Tu es de passage, ou… ? » Pas besoin de le préciser ; son départ soudain lui a laissé un arrière-goût de trop de spontanéité. Désormais, Max s’attend à ne plus s’attendre à rien avec Edmée. Encore moins qu’elle ne soit à Mariposa que pour quelques jours seulement. « Je vais bien. » A cet instant précis, rien n’est moins vrai. « Super bien. Très bien, oui. » C’est fou, cette envie soudaine de faire comme si le monde n’avait pas cessé de tourner du jour au lendemain. « Et toi ? T’as l’air plutôt en forme. » Un mince sourire se glisse sur ses lèvres. La deuxième question à un million de dollars, il n’arrive pas à la garder pour lui. « Tu loges chez Richie ? »

Max, allongé dans l’herbe, Bowie au travers de son torse à agiter la queue comme un bienheureux. Elle aime ce tableau Edmée, elle pourrait le regarder pendant longtemps. C’est comme si rien n’avait changé finalement, comme s’ils étaient sortis tous les trois pour se balader, comme toutes les fois où ils l’ont fait au cours des sept années qu’ils ont partagées. Elle pourrait presque croire qu’elle n’est jamais partie, qu’elle n’a pas fait ce long et fou voyage pendant deux ans. Presque. Si c’était le cas, Max sourirait. Il la regarderait avec le même amour qu’avant, avec ce regard profond qui créait une bulle autour d’eux. Aujourd’hui, il n’y a plus que stupeur et questions, ce qu’elle comprend, mais il faut bien admettre que ça n’a pas la même chaleur. Elle se rend compte quand même, en étant face à lui, que le manque est toujours aussi profond et douloureux. Elle aimerait passer du temps avec lui, savoir ce qu’il a fait au cours des dernières années et surtout, elle aimerait comprendre où ils en sont. Pour elle, le voyage n’était qu’une parenthèse, seulement il y a cette peur que ça ne soit pas tout à fait le cas pour lui. Le bonheur de le revoir, cependant, est bien présent, et Edmée elle laisse les mots couler hors de sa bouche comme elle l’a toujours fait. Pas de filtre, surtout pas avec lui, et sans se rendre compte non plus qu’elle dit peut-être tout de travers. Max n’est pas un nom sur une liste. Il est un homme, L’homme, le seul qui l’ait fait vibrer ainsi, mais il ne devrait pas être étonné que son père ait eu la priorité. Il la connaît Edmée, et il sait pourquoi elle est partie - du moins à ses yeux à elle, le mot était assez clair - alors il devrait comprendre. « Oui, tout le monde était heureux. Deux ans c’est assez long quand même sans se voir. » Ça compte pour les membres de sa famille mais, évidemment, pour eux aussi. L’attention de Max se tourne vers Bowie quelques instants et elle le laisse faire, retrouver son chien aussi qui a dû lui manquer. Elle a conscience, tout de même, d’avoir été un peu égoïste en emportant leur bébé poilu avec elle, mais Edmée avait un peu peur de partir seule sur les routes. Avoir Bowie à ses côtés, c’était un peu comme avoir une partie de Max. « Non, je reste. C’est chez moi ici, je reviens pour de bon. » Elle sourit, comme si c’était évident. Comme si elle n’était partie qu’un week-end pour rendre visite à une amie et qu’elle avait toujours dit à Max précisément l’heure et le jour où elle reviendrait. Elle-même ne savait pas, mais maintenant elle est là indéfiniment.

Heureuse d’entendre que Max aille bien, les sourcils blonds se froncent toutefois quand il répète, une fois, deux fois, trois fois qu’il va bien. C’est un peu trop et ça l’inquiète Edmée, qui pose avec douceur sa main sur son bras. « Je vais bien oui, contente d’être à la maison. » Il essaye de sourire, elle le voit, et rien que ça ça lui réchauffe un peu le cœur. « Non, je n’avais pas très envie de m’installer chez lui, ça fait longtemps que j’ai quitté ce nid. » Elle l’aime beaucoup ce nid pourtant, c’est encore son point de repère, son ancrage, mais elle a préféré ne pas s’y accrocher avec trop d’ardeur cette fois, dans la peur de ne jamais en repartir. « Je suis chez des amis. Enfin, des amis d’un ami plutôt, sur leur canapé. » Les détails ne sont pas importants, et Edmée ne les donne pas pour attirer de la pitié ou quoi que ce soit d’autre. Elle veut juste le mettre au courant et, peut-être, lui faire savoir que rien n’a remplacé la maison où ils vivaient ensemble. « Tu es toujours dans la maison ? » Elle en rêve de leur lit, de ce qu’ils avaient construit, de retrouver toutes les affaires qu’elle avait laissées chez eux. Mais ce serait prématuré de lui demander de revenir, non ?

Si les choses étaient simples, Max se contenterait de se vautrer sans honte aucune dans le rôle qu’il pense lui revenir à juste titre : le type largué, cloué au pilori par une décision qu’on a prise sans même le consulter, par un choix qui a été fait sans l’en informer. Drapé dans son chagrin et sa rancune, de son plein droit, offensé sur l’autel des cœurs brisés à afficher légitimement une moue boudeuse que ses lèvres naturellement charnues ne manquent pas d’afficher avec une pointe de véhémence. Mais si les choses étaient si simples, comment alors ignorer les virages à cent-quatre-vingts degrés que le roller coaster dans son ventre s’amuse à prendre à tout berzingue entre ses tripes ? Comment expliquer le rythme de son cœur qui ne redescend pas, bien après l’effort physique ? Comment expliquer son regard, qui bien qu’il se veuille fuyant, revient inlassablement scanner chacun des moindres traits d’Edmée ?
Max est en droit de lui en vouloir, pourtant il n’y arrive pas tout à fait. Max est en droit de faire la gueule, pourtant il lutte pour réfréner le sourire qu’il sent monter jusqu’à ses yeux, qu’il détourne à la minute où il sent que son ex va l’intercepter. La moindre fibre de son être tend à se précipiter vers elle, à toucher sa peau, la prendre dans ses bras, poser ses lèvres sur son front, son nez, sa joue, sa bouche, mais encore une fois, ce serait là aussi rendre les choses bien trop simples.
Au lieu de cela, c’est à Bowie qu’il dispense tous les élans d’affection contradictoire qui l’assaillent, quand le gros pépère en redemande, bien heureux, sa queue touffue battant l’air entre eux deux avec la force d’une hélice d’hélicoptère. « En effet, deux ans c’est long. » L’éconduit bonhomme n’en est plus à une platitude près, moins encore quand le goût amer de la rancœur plane derrière.
Pourtant, il aurait dû savoir Max, il aurait dû se douter comment Edmée réagirait, prendrait les choses ; sept ans de vie commune auraient dû lui mettre la puce à l’oreille, lui qui connaissait désormais sans plus aucun doute la pureté de son cœur, l’innocence de son âme, la candeur de chacun de ses faits et gestes. Il le sait : Edmée n’avait pas pensé à mal, le lui reprocher serait faire preuve de malhonnêteté. Mais qu’elle n’ait pas pensé à mal ne signifie pas pour autant ne pas lui avoir fait mal.
Se redressant, le propriétaire du Wescott’s s’assoit, Bowie assis entre ses deux jambes. Il y a dans leurs gestes une attitude très paternelle et complice qui ne peut échapper aux yeux de ceux qui ont la chance d’avoir dans leur vie un compagnon à quatre pattes. Quand Edmée affirme rester, Max hoche doucement et silencieusement la tête, processant l’information comme s’il en soupèse la véracité. Aucun doute sur le fait que Mariposa c’est chez elle, mais chat échaudé craint l’eau froide dit-on, et à ce petit jeu-là, le grand gaillard a peur de finir par s’y noyer. Croisant ses bras autour du cou de Bowie et posant le menton sur le dessus de sa tête soyeuse, il ne parvient à détacher ses yeux de son ex-peut-être-pas-si-ex alors qu’elle comble ses lacunes quant à ce qu’il s’est passé ces derniers jours depuis son retour. Une pointe de jalousie l’assaille quand elle lui parle de ces amis d’amis qui l’hébergent – des amis que lui-même ne fréquente pas, donc – qu’il chasse bien vite. « Ils comptent te prêter leur canapé longtemps ? » La question se veut posée sur le ton de l’indifférence, mais la vérité c’est que la réponse l’intéresse beaucoup. Pour chasser son trouble lorsqu’elle lui parle de la maison, il enfouit ses mains dans le pelage touffu du torse de Bowie qu’il caresse vivement. « Toujours, oui. » Quelques minutes de silence filent. Un ange passe. « Chez nous. » Et dans ces deux petits mots tout simples, Max insuffle toute l’importance que ce chez eux représentait – représente encore ? – à ces yeux. Depuis deux ans, rien n'a changé. À quelques détails près… Chassant de son esprit les images du côté du lit autrefois vide qui dernièrement s’est vu de nouveau occupé, il continue, hasardeux et pourtant, incapable de s’en empêcher. « Tu… Tu voudrais passer ? J’imagine que tu as sûrement envie de récupérer des affaires… »