La semaine avait été … difficile. Elsie l’avait passé avec eux à cause de l’absence d’Apollo et ça avait été loin d’une partie de plaisir tant la tension entre le fillette et Waldo était palpable. Mallory se retrouvait donc parfois à devoir jouer les tampons entre les deux, sans vouloir se mêler de leur relation. Même s’il avait parfois envie de donner son avis, il avait bien conscience que ce n’était pas son rôle. Il s’agissait d’une situation trop intime, trop volatile, la rancœur d’une enfant, les regrets d’un père au milieu d’une situation très tendue. Alors Mallory se contentait d’être là pour les deux, entre les deux, faisant la conversation et ignorant vaille que vaille la tension, faisant comme si elle n’existait pas. Mais cela ne l’empêchait pas d’être triste pour Waldo, de voir ce que toute cette histoire lui faisait. Surtout qu’entre Mallory et Elsie tout allait bien. La fillette et lui avaient trouvé leur terrain d’entente, le designer se glissant sans peine dans la peau de l’ami, de la bonne copine, avec qui on faisait du shopping et on échangeait les commérages et les ragots de l’école. Alors il faisait la conversation à Elsie et il faisait la conversation à Waldo tout en espérant que la situation n’explose pas jusqu’à ce que la semaine s’achève et que la fillette retourne auprès d’Apollo. Et ce jour était arrivé.

Mallory n’avait pas été présent pour le retour de la petite. Il avait dû se rendre en dehors de la ville pour rencontrer Holden et parler des prochaines étapes pour leur projet, puis il avait passé du temps à l’atelier pour travailler sur sa collection. Il avait donc dit au revoir à Elsie non sans réitérer sa promesse de l’emmener au cinéma la semaine prochaine, avait embrassé Waldo et s’était évadé de la maison pour vaquer à ses occupations. A présent, il était sur le chemin du retour, ayant fait un détour par le diner où il avait acheté les plats et desserts préférés de Waldo et quelques petites bricoles pour lui-même pour le soir. Mallory avait remarqué la tension qui n’avait fait que croître sur les épaules de l’autre homme durant la semaine et il avait donc fait le nécessaire pour lui offrir une soirée tranquille, en amoureux. Il avait longtemps hésité entre lui préparer quelque chose ou acheter de quoi manger. Il s’était finalement décidé pour la seconde option en se disant que ne pas se soucier de nettoyer ou autre après était plus pertinent.

Les bras chargés, Mallory était donc revenu dans la petite maison qu’ils partageaient depuis son retour récent, se débarrassant de ses bottines rouges à talons vertigineux, pour un peu plus de confort, au passage. Il s’était bien vite rendu compte que Waldo n’était pas encore revenu et un coup d’oeil à sa montre Van Cleef & Arpels l’informa qu’il disposait d’une dizaine de minutes avant son retour. Pénétrant dans la cuisine, il s’attela à sa tâche, préparant la nourriture qu’il avait apportée sur des plateaux, prêt à les amener sur la table basse du salon pour en profiter devant un de ses vieux films que Waldo appréciait tant. Une soirée calme et tranquille, juste tous les deux, lovés l’un contre l’autre sur le canapé. Une soirée parfaite, de quoi évacuer la tension d’avant. Mallory avait plus que hâte. Il apportait les dernières touches à sa surprise quand la voix qui hantait ses rêves se fit entendre juste avant que Waldo ne fasse son apparition dans la cuisine, l’air interloqué. Mallory lui offrit un sourire avant d’aller à sa hauteur pour déposer un baiser chaste sur sa joue puis sur ses lèvres, sur la pointe des pieds. Sans ses talons, il était plus petit que l’autre homme.

-Je t’ai apporté une petite surprise pour ce soir ! Je me suis dis qu’une soirée tranquille avec un peu de réconfort nous ferait du bien. Qu’est-ce que tu en penses ?

Il désigna les plats déposés sur le plateau, toujours au chaud pour le moment.

-J’ai pris ce que tu préfères au diner et les milkshakes sont au frais. Je pensais apporter tout ça au salon et on peut se regarder un film en même temps.

Mallory était vraiment fier de lui et de son idée et son sourire ne se fit que plus grand à l’idée de partager une soirée avec Waldo. Il aimait beaucoup Elsie mais ça lui avait manqué.

Dire que Mallory était déçu de la réaction de Waldo était un euphémisme. Mais cela aurait été mentir que de dire qu’il ne s’y attendait pas. C’était presque toujours comme ça désormais, Waldo de mauvaise humeur, ayant besoin d’être seul, et Mallory laissé sur le carreau sans savoir quoi faire, quoi dire, comment se comporter, un étranger dans ce qui aurait dû être sa maison, son chez lui. Le styliste essayait toujours d’être compréhensif, de lui laisser son espace, comprenant que la situation avec Elsie était difficile mais se doutant aussi qu’il n’y avait pas que ça. Mallory ne savait pas pourquoi la situation était aussi compliquée entre Waldo et lui, pourquoi, depuis son arrivée à Mariposa, ils semblaient avoir perdu cette étincelle, comme s’ils n’étaient plus sur la même longueur d’onde sans que Mallory ne sache pourquoi.

-Ne te donne pas cette peine …

Alors il ne dit rien d’autre lorsque Waldo alla s’isoler, préférant le regarder partir avant de fermer les yeux, essayant de ravaler la boule qui venait de se former dans sa gorge. Il était peut-être trop dramatique, c’était sûrement exagéré mais il avait vraiment envie de pleurer. Et il détestait ça, il n’était pas du genre à s’épancher de cette façon, à se laisser abattre mais ça faisait plusieurs semaines du même manège, avec quelques moments d’accalmie mais qui semblaient bien peu au milieu de tout le reste.

L’appétit coupé, Mallory, dans un mouvement impulsif de colère, vida le contenu du plateau dans la poubelle, suivi par les milkshakes. A quoi bon de toute façon ? Il n'avait plus envie de faire d’efforts, il ne voulait pas faire semblant que tout allait bien, son envie d’une soirée tranquille en amoureux avait été annihilée. Mallory aurait aimé avoir le courage de rejoindre Waldo dans sa chambre et de le confronter, de demander des explications, d’arrêter de se mettre la tête dans le sable. Mais ce n’était pas le cas.

A la place, il essuya une larme qui s’était échappé, sans se soucier de son maquillage pour une fois, réenfila ses bottines pour se rendre dehors et prendre l’air, claquant la porte derrière lui. Il était trop déçu, trop en colère, trop émotif et il avait besoin de se calmer, sans quoi il ferait ou dirait des choses qu’il regretterait par la suite.

Adossé contre le mur de la maison, il laissa finalement couler quelques larmes, essayant de se reprendre avant de retourner à l’intérieur. Encore quelques minutes et Mallory pourrait y retourner, essuyer son visage et les traces de mascara sur ses joues, et endosser de nouveau le rôle du partenaire compréhensif et patient. Il avait juste besoin d’un moment lui aussi.