Jour de semaine, le pic du rush retombe tout juste, au moment où les travailleurs de Mariposa, sa jeunesse et ses habitants retournent vaquer à leurs occupations respectives, leurs jobs, leurs cours.
Au Wescott’s, Max a quitté les cuisines, mais ne les a pas encore fermées – on n’est jamais à l’abri d’un retardataire ayant les crocs, qui se pointerait à l’improviste pour un sandwich sur le pouce. Et dans une petite ville comme la leur, les diners restent la plupart du temps ouverts toute la journée.
Pourtant le calme règne en ce tout début d’après-midi, et les seules âmes-qui-vivent aux alentours sont celles qui gèrent les murs qui les abritent, font marcher le business du restaurant. Déjà plusieurs semaines que Rory est revenu, et c’est comme si l’aîné accueillait un fantôme ; son cadet a changé, sans qu’il réussisse exactement à mettre le doigt sur le comment.
Les habitudes reviennent avec un naturel désarmant, pourtant, y a comme une brèche infime qui les sépare, s’insinue sournoisement dans leur relation et laisse planer un doute aussi surprenant que malaisant parfois. Max ne sait plus sur quel pied danser, oscille le plus souvent entre une rancœur amère qu’il garde au bord des lèvres, et une joie immense qu’il peine à contenir de savoir son petit frère de retour au bercail. Laquelle des deux l’emporte, ça reste un mystère.
Tirant sur le col de son t-shirt pour s’éventer avec, la chaleur des fourneaux a coloré ses joues d’un rouge coquelicot, collé quelques mèches rebelles de cheveux sur son front moite de sueur, qu’il essuie d’un revers du bras. Dans le frigo, il se saisit d’un cola, en prend un deuxième pour Rory, resté en salle, et le rejoint sur les tabourets du comptoir.
Assis côte à côte, les frères Wescott ne ressemblent plus à ces gamins canailles du quartier, et pourtant. Et pourtant.
D’un coup sec sur le formica du comptoir, l’aîné décapsule une première bouteille qu’il tend à son frère, avant d’en faire de même pour la sienne, tandis qu’un silence confortable s’installe. Aucun d’eux ne parle, profitant de l’accalmie post-coup de feu du service, et Max s’autorise même une cigarette bien méritée. Les minutes s’égrènent au rythme des morceaux joués sur le vieux jukebox au fond de la salle, jusqu’à ce que sur un air de Polk Salad Annie d’Elvis, il n’y tienne plus. « Y a quand même un truc que j’pige pas, tu sais… ».

Quelques coups de balais, quelques tables nettoyés, le vaporisateur en main, et voilà comment ils s'étaient répartis à deux le dinner la plupart du temps. Max dans les cuisines, et lui, en salle. Le malaise ne se pointait que lorsqu'ils étaient tous les deux : mais petit à petit, semaine après semaine, il s'y était fait, à cette vie.  C'était pas le job de rêve, ni clairement une fin en soit, mais il aimait ces simples et petits plaisirs, ceux où il n'avait pas à penser. Sourire, parler avec les clients - servir parfois de psychologue -, leur servir et encaisser la note et les tips. Alors, les écouteurs visés aux oreilles, il mit en marche le baladeur avec une cassette qu'il avait trouvé dans un store de la ville. Disons que ça ne valait pas les Airpods et l'Iphone d'un temps passé mais il fallait s'adapter. La serpillère faite, il prit sa pause au comptoir, rêvassant quelque peu. Et il fut extirpé du rêve lorsqu'il vit son frangin débarquer, assis à coté de lui, lui offrant un cola qu'il prit volontiers. Que lui dire ? Rien n'était naturel à cette situation ? Hey, ça va, faux bro, beh ouais, parce qu'on est pas frères, j'suis un intrus dans ton monde. Ca fait des semaines et des semaines que je te berne. De toutes façons, t'as pas le choix puisque l'autre frangin est occupé avec ses propres problèmes. T'as bsoin de moi, donc tu te tais et tu m'acceptes. Et...

Et l'autre, ne pigeait pas. Ne pigeait pas quoi ? « Que j'ai grandi ? Que c'est pas comme quand on était ados ? » Il arqua un sourcil, se rendant compte du ton pris sur la défensive. Il fallait plutôt se la jouer calme. « L'extérieur était une bulle, un rêve qui m'a fait énormément de bien, et ouais, ça change des gens. Mais qu'est ce que tu veux ? J'suis là ? T'es pas content que je sois là ? » dit-il, n'arrivant pas à changer de ton alors qu'il affichait une tête presque désolée. Il prit sa bouteille qu'il mit à sa bouche, buvant de grandes gorgées de boisson. « Je... j'suis désolé de m'emporter. » Il avait tendance à trembloter légèrement. « Pourquoi tu t'es pas enfui, toi ? »

Voilà, c’est ça. C’est ça le problème avec le nouveau Rory, c’est qu’il ne le comprend pas. Ou plus. Son frère, dont il pouvait dire autrefois qu’il le connaissait par cœur, est devenu une énigme. Un casse-tête. Voire un casse-bonbon, selon les jours, et les humeurs du moment.
Max ne s’attend pas à tout résoudre en une question, et avale sans broncher l’agressivité que lui balance son cadet à la tronche, bien trop sur la défensive pour une conversation qui se veut anodine. Parce qu’il est comme ça, Max, d’un calme toujours olympien, à ne pas monter sur ses grands chevaux, même quand ceux d’en face menacent de lui envoyer leurs sabots en pleine poire.
Par la bouche, le gérant du Wescott’s expulse un nuage de nicotine, juste pour faire redescendre la pression, se laisser quelques minutes de réflexion. Digérer l’animosité du frangin qui le blesse, même s’il préférerait crever la bouche ouverte que de le dire à voix haute. « T’es con ou tu l’fais exprès ? » La question est rhétorique, un brin ironique, mais lancée avec un sourire au coin des lèvres, pour désamorcer la bombe. L’humour, les railleries, ça avait toujours été leur truc, et l’aîné espère ainsi raviver un peu leur complicité passée. « Vieux, j’te parle pas d’ça. On grandit tous, on change, c’est un fait. Je… J’dis juste que je pige pas pourquoi t’es parti. » Il hausse les épaules en rompant le contact visuel, tire à nouveau sur sa clope jusqu’à s’en creuser les joues. « C’est vrai quoi, t’avais tout ici, vraiment tout pour toi. J’comprends pas tes motivations. » La cigarette est coincée entre deux doigts, le temps de prendre une grande goulée de soda et de se tourner de côté vers son frère. « Et vu que t’as jamais vraiment pris le temps de nous les expliquer… » Par « nous », c’est « me » qu’il entend. Les parents, ils vieillissent, ils ont bossé comme des acharnés jusqu’à la retraite. Calqués dans un rythme, fondus dans un moule que l’écart de génération aurait pu expliquer. Mais lui ? Il aurait pu tout entendre, tout. Si tant est que son cadet soit venu le trouver. « C’est rien, oublie. » Rory se calme, baisse de ton, et c’est le seul signe que Max attendait pour être un peu rassuré. « Pourquoi tu veux que j’m’enfuis ? »

La bombe désamorcée. A peine lancée, à peine éteinte. Mais Rory se devait d'être sur ses gardes, car il ne savait pas tout. Il avait appris des choses, des trucs, que le Rory n'aimait pas cette ville, ne s'y sentait pas à l'aise, qu'il avait toujours un train de retard, qu'il avait l'impression de louper sa vie ici. Mais les détails, ça, il ne les avait pas. Alors, il fallait jouer de ses mains, faire ce qu'il fallait pour éviter de se faire repérer parce que qui sait ce qu'ils lui feraient lorsqu'ils sauraient ? « Je, ça allait pas. Je savais que ça allait pas, je savais que j'avais besoin d'ailleurs, de partir. J'avais besoin de ça. » lâcha-t-il tel un acteur de théâtre jouant cette tension dramatique. « Parfois, avoir tout ne veut pas dire que c'est assez. » dit-il en pinçant des lèvres, baissant le regard. Et il savait que son autre lui était proche de son frère - à peu d'années e différence, on pouvait créer des liens proches avec sa fratrie. Et Max semblait être un type bien - le genre de gars noble qui reprend l'affaire familial, l'aîné modèle, le parent supplémentaire qui pouvait agacer les autres. « Le plus important n'est-il pas que je sois revenu ? » dit-il, jouant de son regard alors que la précédente chanson se terminait pour laisser place à Every Breath You Take de The Police. Une chanson assez cocasse dans ce contexte particulier. Il fallait oublier. Il avait prétexté l'amnésie partielle mais les gens n'étaient peut-être pas dupe ? « J'sais pas, t'es jamais parti d'ici. Peut-être qu'à l'extérieur, y'a de belles choses qui t'attendent.... ou peut-être que c'est en partant qu'on se rend compte que Mariposa nous apportait des choses. » souffla-t-il, le regard encore plus fuyant et troublé.

Et instinctivement, il enlaça son frère - ou du moins ce qu'il lui servait de frère « Je suis heureux de t'avoir, que tu sois là... » L'étreinte se fit plus forte que prévu. « J'aimerais appuyer sur un bouton reset et recommencer à zéro, et c'est pour ça que je suis là. Désolé pour Teddy, désolé pour tout, j'veux juste recommencer à zéro. » Il se sépara de lui, reprenant son cola en bouche. « Promis, un jour, je te raconterais. » Raconter quoi ? Qu'il avait usurpé l'identité de son frère ? Que son frère était soit mort, soit en balade dans la nature ? Que son frère était vraisemblablement un connard avec tout le monde ? Parce que lui, le Rory/Shane, il aurait bien aimé avoir cette vie à Mariposa, avec ses deux frangins.

Derrière la brusquerie de son frère, qui d’ailleurs ne lui ressemble pas tellement, Max devine son trouble, le malaise qu’il ressent. Qu’il ressent, car il se sent acculé ? Ou parce que lui-même le lui fait ressentir ? Après tout, Rory n’a pas tort, les gens changent, évoluent, deviennent souvent des versions d’eux-mêmes différentes de celles qu’ils étaient dans le passé, auxquelles leurs proches étaient habitués. L’aîné soupire, exhale un long fumet de nicotine en se pinçant l’arête du nez. « T’aurais pu m’en parler. » T’aurais pu, et t’aurais dû. Max comprenait, il comprenait beaucoup de choses. Derrière ses airs de mec taiseux, il était sûrement beaucoup plus sensible et fin psychologue que ce que ses aspects bourrus d’ours mal-léché pouvaient laisser croire. Une apparence des plus trompeuse, qui en dupait plus d’un, il le savait, mais il n’aurait jamais imaginé que son cadet fasse partie de ces gens-là. « Je sais bien, je sais bien. Mais de là à prendre une décision aussi drastique ? Merde quoi, tu nous as tous lâchés, tous. » Le propriétaire du diner se masse la nuque, essaye de se radoucir lui-aussi, conscient des efforts que fait son frangin, conscient que s’emporter ne fait pas non plus partie de ses propres habitudes. À croire que depuis le retour de Rory, un vent nouveau soufflait des comportements contradictoires dans les habitudes de tous. « T’as pensé à Teddy ? »
Max le sait, le sujet sensible menace d’arriver sur la table. L’ex-copine éconduite devant l’autel, et sans doute le tabou le plus discutable de la vie de Rory. À l’époque, il n’avait pas beaucoup d’opinions sur celle-ci, savait juste qu’elle rendait Rory heureux, qu’ils avaient l’air bien ensemble. Tellement bien, que Rory s’était imaginé se marier avec elle. Comme quoi, il ne faut jamais s’attendre à ce que les choses soient déjà dictées d’avance, et immuables.
Se penchant par-dessus le comptoir, il attrape un cendrier en plastique dans lequel il tapote les cendres de son mégot et le pose sur le rebord, le temps de boire quelques gorgées de cola. Il n’arrive pas tout à fait à en vouloir complètement à Rory, lui adresse même un sourire quand celui-ci montre patte blanche. « Si, bien sûr que si. Je mentirais si je disais que j’étais pas content que tu sois de retour. Mais faut que tu comprennes qu’on peut pas non plus faire comme si de rien n’était, comme si tu t’étais jamais tiré, comme ça, du jour au lendemain. » Le jukebox change automatiquement d’ambiance sonore, fait sourciller maladroitement les deux frères sur un contexte peu approprié. « Ou peut-être que moi, j’arrive à me satisfaire de ce que j’ai, j’arrive à trouver le bonheur quand il est sous mon nez. Faut croire que toi, t’as tendance à regarder toujours trop loin. » Le ton est un peu trop fruste pour n’être que déclaratif et pas accusateur. Max ne se veut pas moralisateur, déteste les gens qui le sont. Mais ne parvient pas non plus à trouver une logique aux arguments de son benjamin. « J’voulais pas dire ça, ‘fin pas comme ça. Désolé… »
Rory se penche vers lui, l’enlace et un instant, et comme par magie, c’est comme s’ils avaient à nouveau six et dix ans. Lui tapotant le dos, presse son menton un peu plus fort sur le sommet de sa tête avant de s’éloigner, comme si on l’avait pris sur un moment de faiblesse. « Ce qui est fait, est fait, pas de machine à remonter le temps dans le coin, va falloir assumer. » Il lui ébouriffe les cheveux d’une main. « Tu sais à qui faudrait que tu racontes tout aussi ? À Teddy… T’as pu lui parler, ou pas encore ? »

Teddy, teddy, teddy, seul nom immuable qui revenait parfois, tel un fantôme d'un passé inexistant, au détour des conversations. Il semblait l'avoir vu - mais ce qu'il espérait, c'était de ne jamais être vu d'elle. Comment fuir des gens qui vous haïssaient pour ce que vous n'étiez pas ? Et cela le ramenait à son ancienne vie. La fuite pour survivre - mais là, il ne s'agissait pas de vie ou de mort, juste d'un coeur éconduit à l'autel et dont il ne pourrait même pas réparer la blessure - il aimait les gars, et s'il devait en plus de cela, sortir avec une fille - alors, il n'était clairement pas sorti de l'auberge. Dès que Teddy est prononcée, il serre le poing, crispé. « Ne me parle pas d'elle. » dit-il d'un air agacé, plus dérangé à l'idée de parler d'elle que d'elle-même.
Telle une pièce de théâtre, il avait tiré le gros lot - celui du personnage principal, celui du fils prodige, celui aimé et détesté de tous à la fois. Les gens ne savaient jamais comment se comporter avec lui parce qu'ils pensaient faussement qu'ils les détestaient. Apparemment, l'ancien Rory, lui, détestait cette vie, cette étroitesse de possibilités, l'impossibilité des possibles même. « Okay, d'accord mais - c'est pas la fin du monde ? » dit-il en haussant les épaules. Il était là, c'était tout ce qu'il comptait, non ? Mais ce que le grand frère reprochait, c'était qu'il avait toujours envie d'aller voir plus loin, plus grand, plus haut, sans jamais se poser de limites et lui-même avait capté que peut-être c'était la phrase de trop. Et curieusement, Rory s'en énerva pas. « On en a déjà parlé, non ? » Faussement question rhétorique, mais au fond de lui, il voulait bien savoir : en avait-il déjà parlé ? Est-ce qu'un jour, le véritable Rory s'était assis, discutant avec son frère de ses aspirations ou avait-il disparu avec ses secrets ?

Alors, maintenant, dans ses bras, il ressentit pour la première fois depuis longtemps une douceur longtemps oublié : la tendresse d'un câlin fraternel, une protection qu'il voulait. Et juste, sans crier, une larme s'écoula de sa joue. Il susurra, convaincu de ce qu'il disait : « Je me sens minable... » Etreinte finie, il s'essuya la joue, souriant quelque peu. « Je peux pas, j'me sens pas prêt, je - j'te jure, ça me tuerait. Elle me tuerait. Littéralement. » C'était comme un cri à l'aide. Et même s'il n'avait pas vécu la situation - il fallait être honnête : qui de sensé allait se présenter à son ex en mode hey, excuse moi hein de t'avoir jeté, mais j'peux t'expliquer. L'explication était dans les actes, y'avait pas besoin de plus. « Si je la vois - dans le plus grand des hasards, je - je lui parlerais mais j'ai pas envie de forcer le truc, tu vois. J'veux vraiment être focus sur les Wescott. » Son grand frère, son petit frère, famille réunifiée. La dernière pièce du puzzle - d'une vue d'ensemble qui ne genait pas - mais d'un coup d'oeil attentif, ne rentrait pas dans l'équation. « J'peux t'dire un truc ? » Il le regardait, douteux de ce qu'il allait accomplir. « C'est p'être pas les filles mon truc. » Il déglutit - comme pour instaurer sa propre personnalité dans l'équation. « Au moins, ça m'aura permis de me trouver. »

À nouveau, la réaction de son cadet plonge Max dans une profonde perplexité, car s’il ne voit pas le poing de Rory se serrer sous le comptoir, il ne passe pour autant pas à côté de la légère crispation de sa mâchoire, ni de cette veine qui se met à battre sur sa tempe. Sans s’imaginer une seule seconde la véritable raison derrière la gêne de celui qu’il prend à tort pour son frère, il s’imagine que sa frustration est liée à la raison de son départ de Mariposa, et tout le bordel qui en a suivi depuis sa fuite de l’église. « Okay, okay, ne parlons pas d’elle. » Il lève ses mains en l’air, en signe de capitulation, ne voulant pas gâcher ce qui s’apparente, et depuis un long moment déjà, le plus à un moment de partage sincère. Chose suffisamment rare depuis son retour en ville pour ne pas que Max ruine tout par sa bouche qui souvent ne sait pas la boucler quand il faut, et ses gros sabots. « N’empêche qu’il faudra quand même tôt ou tard crever l’abcès », ajoute-t-il très vite avant de se cacher derrière le goulot de sa bouteille de soda, dont il avale une grande gorgée pour se forcer à se taire. Car si explications il faut fournir, de son côté aussi il faudra qu’il passe aux aveux…
Mais la conversation tourne en rond, et l’aîné n’a pas envie de briser le fragile équilibre qu’ils ont, plus ou moins, su raviver depuis que Rory avait (re)commencé à bosser au diner, et surtout depuis le début de cette conversation. L’ambiance en famille était suffisamment tendue pour vouloir en rajouter une couche – tous, certes ravis de retrouver le second fils, marchaient néanmoins sur des œufs avec lui – tant est si bien que Max ne voulut pas pousser sa chance trop loin.
La chaleur et la vivacité de leur étreinte fraternelle laisse heureusement supposer au gérant que tout espoir n’est pas à jeter trop vite à la poubelle, et quand ils s’écartent et que l’aîné constate la trace humide sur la joue du plus jeune, c’est à son tour de se sentir minable. « Arrête, dis pas ça. » Une de ses lourdes paluches vient s’écraser sur l’épaule de Rory. « T’es pas un minable, et t’en seras jamais un. » Et que quiconque ose traiter son frère d’un pareil adjectif qu’il faudra goûter à ses poings à lui. Pacifiste dans l’âme, il y a pourtant des sujets qu’il ne faut pas venir titiller de trop près, la famille en tête de liste. « C’est la dernière chose que je veux, crois-moi. » Max soupire avant de le lâcher. « J’aime pas être moralisateur comme ça, surtout que je vois bien que t’es passé par un tas de trucs éprouvants et que t’en as gros sur le cœur. » Pas besoin d’être medium pour le comprendre. Calant un coude sur le comptoir, il se penche en avant vers son frère. « Je te forcerai à rien, t’as ma parole. Si t’as envie d’en parler, alors tu viendras me parler. Mais fini les interrogatoires de série B, je le jure. » Pour prouver ses dires, il fait une croix sur son cœur et lui adresse un sourire complice.
Sourire qui s’agrandit plus encore lorsque Rory lui confirme vouloir se concentrer sur la famille. « Ça, ça fait plaisir à entendre. » Quant à savoir qu’il s’est trouvé, la formulation le surprend autant qu’elle l’intrigue. « Et qui es-tu donc alors, Rory Wescott, moi qui pensais pourtant tout savoir de toi ? »